Les Troyennes, de Sénèque – création 2005

Mis en scène par Olivier Chapelet

L’histoire

Nous possédons Les Troyennes d’Euripide qui avait proposé, le premier, une vision tragique de la chute de Troie : en massacrant les hommes et en déportant les femmes et les enfants, les Grecs ont été coupables de génocide.La tragédie des Troyennes se situe après l’incendie de la ville et avant le départ des navires grecs. Deux enfants sont tués pour obtenir des vents favorables : Polyxène, la dernière fille d’Hécube, et Astyanax, le fils d’Hector et d’Andromaque.La pièce de Sénèque est écrite à partir d’un cérémonial de deuil que l’action va progressivement pervertir. Le chœur est composé de captives troyennes qui pleurent rituellement leurs morts sous la conduite d’Hécube. Sur la scène, au milieu des fumées d’incendie, s’élève, énorme, doré, le dernier monument de la richesse troyenne, le tombeau d’Hector. Achille (grec) et Hector (troyen), les deux grands morts de la guerre, réclament leur dû avant de laisser partir les vivants. Achille exige que sur son tertre coule le sang de Polyxène. Pour sauver le tombeau d’Hector, Andromaque doit livrer son fils Astyanax. Les morts haïssent les vivants qui les oublieront à la fin de leur deuil. Les Troyennes montrent la victoire de la mort sur la vie en contraignant les femmes de Troie à un impossible deuil éternel.

Florence Dupont – Traductrice des Troyennes, aux éditions de l’Imprimerie Nationale.

 

La distribution

Avec :

Hécube : Josiane Fritz
Andromaque : Aude Koegler
Hélène : Carole Breyer
le Chœur : Marie-Anne Jamaux, Virginie Meyer
et Hélène Hoohs
Ulysse : Frédéric Solunto
le messager : Gilles-Vincent Kapps
Polyxène : Anne-Laure Hagenmuller
Astyanax : Léo Bruder ou Hippolyte Djian
Direction artistique et mise en scène : Olivier Chapelet
Scénographie : Emmanuelle Bischoff
Lumières : Pierre Diependaële
Création musicale et sonore : Olivier Fuchs
Costumes : Françoise Dapp-Mahieu
Direction du chant : Anne Lemeunier
Collaboration à la diction : Georges Roiron
Collaboration dramaturgique : Francis Fischer
Régie générale : Christine Heimlich
Construction : La Machinerie
Promotion : Geneviève Pluvinage
Photo : Benoît Linder
Graphisme : Anne Thaumiaud
Administration : Vinca Schiffmann

 

La ligne artistique

Sénèque, notre contemporain

Le théâtre de Sénèque est un cri.
Celui d’une humanité écrasée les guerres, les jalousies et les vengeances.
Celui d’une humanité qui ne cesse de vouloir sortir des griffes d’un destin qui l’oppresse.
Celui d’une humanité en proie à ses faiblesses et qui, désespérément, se bat pour échapper à sa condition.Où ces personnages vont-ils puiser l’énergie d’entreprendre des actions aussi impérieuses que les leurs ?
Qu’est-ce qui leur donne les ressorts de leur immense arrogance ou de leur résistance à la douleur ?
Ils sont mus par des forces surhumaines qui tendraient à les rapprocher des dieux s’il n’y avait, au bout de leur quête, le verdict implacable de leur condition : la mort ou l’échec de leur entreprise.
Mais il y a dans leur combat autant de morgue que de révolte contre les lois qui les accablent.
De cette révolte naît la résistance, et d’elle naît la dignité.
Et Sénèque nous en donne également le contrepoint : ses personnages se montrent aussi parfois lâches, cruels ou injustes.On en revient à cet essentiel qui a traversé les siècles : comment l’Homme, les pieds dans la poussière et les yeux tournés vers le ciel arrive-t-il à conjuguer ces deux antagonismes ? La réponse de Sénèque serait : du mieux qu’il peut et en conscience de ses limites.Sénèque, le stoïcien, nous dépeint l’humanité sans compromis ni parti pris, et place l’Homme au centre de son système.
Un Homme responsable de ses actes et non soumis, comme chez Euripide par exemple, au bon vouloir des divinités.
Voilà la grande modernité de son théâtre et de sa philosophie.
Voilà pourquoi ils nous parlent encore aujourd’hui avec la langue de quelqu’un qui pourrait être notre contemporain.

Olivier Chapelet.

 

L’auteur

Vie et œuvre de Sénèque

Sénèque est né à Cordoue, en Espagne, très probablement au début de notre ère (de -1 av. JC à +5 ap. JC selon les sources). Il va connaître un destin des plus exceptionnels et vivre aux côtés de personnages de légende (il vit sous le règne des cinq premiers Césars), avant de devenir lui-même l’un des philosophes les plus lus de l’histoire et de la philosophie.
Très jeune, son père, célèbre rhéteur, l’amène à Rome afin de lui faire suivre une formation en rhétorique et en philosophie. Après avoir goûté un temps au pythagorisme, il adhère à la doctrine stoïcienne. Successivement avocat, questeur puis sénateur, Sénèque acquiert la réputation d’être à la fois brillant orateur et grand écrivain. Ces qualités ne vont pas lui attirer que des faveurs :Caligula, jaloux de sa réussite, entreprend en 39 de le faire condamner à mort, condamnation à laquelle Sénèque échappe de justesse.
Sous le règne de Claude, Sénèque devient fonctionnaire de la cour impériale. A nouveau, il est la cible d’attaques qui l’obligent à s’exiler en Corse en 41. Là-bas, il se remet à l’étude et écrit une Consolation à sa mère Helvia dans laquelle il relativise le douleur de l’exil.
Puis on le rappelle à Rome pour en faire le précepteur de Néron, comme auparavant Aristote l’avait été pour Alexandre. C’est à ce moment que Sénèque commence à écrire son œuvre philosophique.
En 54 Néron devient empereur et fait de Sénèque son conseiller politique personnel ; durant huit ans, l’Empire romain est dirigé par Sénèque et l’un de ses amis, Burrus. On s’accorde à dire que cette gestion de l’Empire a été des plus avisées. Mais, peu à peu, la personnalité de Néron change, son attitude devient de plus en plus imprévisible et inquiétante. A la mort de Burrus en 62, Sénèque, tombé en disgrâce, demande à Néron la permission de se retirer des activités impériales. Mais ce dernier le garde à la cour. Toujours officiellement en place, Sénèque s’investit de moins en moins dans la vie politique et consacre alors la majeure partie de son temps à la rédaction de nombreux ouvrages (traités de philosophie notamment).
Trois ans durant, Sénèque connaît le calme de sa retraite ; mais le 12 avril 65, lorsque est découverte la conjuration de Pison contre Néron, l’un des conjurés met en cause Sénèque. Sénèque se défend, mais l’empereur n’en croit rien et lui ordonne de mourir. Les circonstances du suicide de Sénèque nous sont connues par un beau texte de Tacite, dans les Annales, qui décrit la fermeté d’âme et le courage du philosophe qui s’était préparé à la mort.
On lui attribue généralement neuf tragédies à sujets grecs, destinées non au théâtre mais à des lectures publiques : Hercule furieux (d’après Euripide), Thyeste, Phèdre (d’après Euripide), Œdipe (d’après Sophocle), Les Troyennes (d’après Euripide), Agamemnon (d’après Eschyle), Médée (d’après Euripide), Hercule sur l’Oeta et Les Phéniciennes.

 

Les dates

2005

Du 14 au 16 janvier à l’Espace Grün Cernay
Du 21 au 29 janvier au Taps Scala Strasbourg
Le 4 février à l’Espace Athic Obernai
Du 22 au 25 juillet au Festival de Phalsbourg
Le 4 novembre au Relais Culturel Haguenau
Le 18 novembre à l’Espace Grün Cernay
Le 25 novembre à la Maison des Arts et de la Culture de Bischwiller
Le 29 novembre au Relais Culturel Wissembourg
Le 6 décembre à l’Espace Rohan Saverne
Le 9 décembre au Tanzmatten Sélestat

 

Articles de presse

Crées au terme d’une féconde résidence à l’Espace Grün de Cernay, dans une mise en scène d’Olivier Chapelet, les Troyennes de Sénèque sont désormais à l’affi che strasbourgeoise. Il songeait à Racine, et à la tragédie donc, à sa grande école française. Mais Sénèque bientôt s’imposa à lui, et la tragédie antique, et cesTroyennes qui en effet cristallisent exemplairement l’extrême douleur et violence qu’à travers le destin particulier des femmes – des épouses, des mères…- chacun associe à l’universelle expérience répétée à l’infi ni à travers les âges, jusqu’en ce début de XXIème siècle hélas, de la guerre. Le souci de cette actualité toujours vivante de la guerre rattrapa, ces toutes dernières saisons, le travail théâtral d’Olivier Chapelet – cet encore jeune metteur en scène et sa compagnie OC&CO tricotent avec patience et sérieux, en se gardant de toute précipitation, l’une des intéressantes promesses de la scène théâtrale régionale.
(…)
Un projet porté, donc, par une émotion d’actualité, elle-même dictée par l’horreur charriée chaque matin par le spectacle des grandes affaires du monde. Et un projet qui dès lors engageait Chapelet au-delà peut être de sa naturelle prudence : la représentation de la grande tragédie antique, et de celle-ci en particulier, de ses rituels si somptueusement épurés, expose chacun de ses acteurs très au-delà de la classique convention théâtrale, et le fi l n’y est pas facile à tenir et transcender, entre l’austère liturgie sacrée et l’humaine fureur et passion : de la dizaine de bons comédiens d’ici qu’à cette occasion il sollicite, et de sa compétente équipe artistique, Olivier Chapelet optimise à cet égard très remarquablement la ressource – certes sans aboutir tout à fait au meilleur : tout ici manque d’un peu de supplément de puissance et d’expression et de liberté, entravées par tel ou tel parti pris discutables, mais nulle diffi culté n’y est esquivée.
(…)
Cruauté et souffrance extrêmes – c’est ce moment qu’en ses Troyennes fixa Sénèque, où une communauté écrasée déjà par les pires effets de la guerre mobilise ardeur et courage encore, surhumains, pour résister à l’odieuse injonction de l’ennemi, avant de céder, mais dans la dignité, à l’implacable loi du vainqueur : le deuil des Troyennes sera en tous lieux et en tous temps éternel, et l’antique poème recueille, en son cri muet, – et comme on l’entend ici, encore une fois! -, la douleur de toutes les populations ainsi écrasées par la guerre.

Antoine Wicker, Dernières Nouvelles d’Alsace, 22 janvier 2005.

 

Photos et musiques

Ecouter des extraits de la musique du spectacle

 

Soutiens

Spectacle co-produit par l’Espace Grün de Cernay, le TJP – Centre Dramatique National d’Alsace et OC & CO, Compagnie de Théâtre.
Co-réalisation : Taps, Scènes Strasbourgeoises.
Avec le soutien de la DRAC d’Alsace, du Conseil Général du Bas-Rhin, du Conseil Régional d’Alsace, de la Ville de Strasbourg, et de l’Agence Culturelle d’Alsace.